Caroline BOESCH
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Du bestiaire à la Poésie

Article publié le dimanche 21 janvier 2024 par

Du bestiaire à la Poésie

Les bactéries que nous hébergeons à l’intérieur de notre corps développent des stratégies exemplaires pour faire face aux « attaques ». L’une d’entre elles consiste à se rassembler (même avec des espèces différentes à condition d’avoir un intérêt commun) afin de constituer une colonie qui elle-même tisse une matrice de polysaccharides qui les protège. C’est ce qu’on appelle un biofilm. Cette solidarité opportuniste leur permet de faire face aux hostilités ambiantes et de gagner de l’espace. Voilà un seul exemple de ce que nous pourrions qualifier de comportement primaire, mais dont le but ultime est la survie et la multiplication.

Vous le savez, elles sont nombreuses, très nombreuses, puisque chacune et chacun d’entre nous est fait de 10 fois plus de bactéries que de cellules humaines.

Il y a un siècle, Edward Bach, médecin et bactériologiste, faisait le parallèle entre les bactéries intestinales que nous abritons et nos traits de caractère. On sait aujourd hui, et les études se multiplent dans ce sens, que le microbiome intestinal a un impact mesurable sur le cerveau, influençant le stress, l'anxiété, les symptômes dépressifs et le comportement socialCet axe microbiome-intestin-cerveau peut être médié par divers mécanismes, notamment la signalisation neuronale, immunitaire et endocrinienne. Une étude parue en 2020 révèle d'ailleurs que cet axe peut être pertinent pour les variations comportementales dans la population générale ainsi que pour les cas de troubles mentaux (1). 


Alors que faire?

La réponse tiendrait en deux points fondamentaux: tout d'abord la diversité et le brassage des "cultures" et deuxièmement, faire de notre ventre un espace de bien-être pour les bactéries qui nous veulent du bien.

 

Alimentation:

Premier point, pour rester vivant, mangez vivant. Il existe un grand nombre d'aliments qui contiennent des probiotiques, qui sont des micro-organsimes vivants. Les meilleures sources de probiotiques sont le pain complet au levain, les aliments lacto-fermentés comme le choucroute, le kimchi, les boissons telles que kombucha ou kefir. On peut d'ailleurs très simplement préparer des légumes lacto-fermentés soit-même avec un légume, un bocal et du sel.


Deuxièment, ces bactéries ont besoin d'éléments pour se nourrir: il s'agit des prébiotiques. Les aliments les plus riches sont entre autres les asperges, l'ail, l'oignon, le poireau, les artichauts et la banane. Mais d'une manière générale, les fibres dans leur ensemble ont un effet prébiotique, il s'agit donc de diminuer les quantités de graisses saturées pour faire plus de place aux céréales complètes ou semi-complètes, aux légumineuses (lentilles, pois cassés, haricots etc), aux oléagineux, fruits et légumes.

Enfin, veillez également à inclure une quantité suffisante de protéines dans votre assiette afin d'éviter les fringales qui sont généralement comblées par du sucre et autre nourriture raffinée, favorisant la multiplication d'une levure qui s'en nourrit: Candida albicans. Cet hôte, présent normalement dans notre intestin, ne crée pas de symptômes si sa multiplication est limitée mais peut rapidement entrainer des désordes sur plusieurs plans en cas de multiplication anarchique.


Donc à retenir: n'ayez pas peur de goûter de nouvelles choses, variez votre alimentation, allez vers des produits simples et non transformés, diminuez le blanc (sucre, farine, sel raffinés) pour mettre de la couleur dans vos assiettes!  

 

Accomplissement :

Les conflits s’affichent, la solidarité ne se dit pas. Pourtant, le concept de loi de la jungle pourrait être aujourd’hui dépassé puisqu’on a tous pu constater, à un moment ou à un autre, que l’entraide et la diversité étaient bien plus favorables. Après avoir lu cet article, il serait tentant de se ranger derrière ces petits hôtes, à l’instar de ce qui a été fait avec la génétique, et se dire qu’après tout nous sommes conditionnés à un espèce de déterminisme en-dehors de notre portée.

Et si là résidait exactement le travail que nous avons à faire ? 


Rien ne pourra mieux illustrer ce propos que ces phrases tirées du livre de Pierre Teilhard de Chardin, le Phénomène humain:

"C’est à ce grand processus de sublimation qu’il convient d’appliquer, avec toute sa force, le terme d’Hominisation. L’Hominisation, qui est d’abord, si l’on veut, la saute individuelle, instantanée, de l’instinct à la pensée. Mais l’Hominisation, qui est aussi, en un sens plus large, la spiritualisation phylétique, progressive, en la Civilisation humaine, de toutes les forces contenues dans l’Animalité". 


Le mot bactérie a pour racine grecque baktêria qui signifie "bâton pour la marche" en raison de la forme de bâton des premières bacilles observées. Ayons de la gratitude pour ce pilier, le microbiome, sur lequel nous pouvons nous appuyer pour notre survie. Prenons en soin, mais n'oublions pas que nous sommes en chemin et que les lois qui régissent ce petit monde ne nous montrent pas la voie. Spiritualisons nos forces animales. Passons du bestaire à la Poésie.


1. Johnson, "Gut microbiome composition and diversity are related to human personality traits", Human Microbiome Journal, Vol.15, 2020.